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depuis César jusqu’au duc de Wellington, a toujours paru l’accompagnement naturel d’un nez en bec d’aigle.

Il était en général très-soigné dans sa mise, et, en cette occasion, il y avait beaucoup réfléchi ; mais, toutes réflexions faites, il s’était dit qu’il valait mieux ne pas faire de sacrifices extraordinaires aux grâces. S’il s’était agi de mademoiselle Baker, un coup de fer donné aux favoris, un habit tout neuf sortant des mains du tailleur, auraient pu faire leur effet ; mais si mademoiselle Todd devait être charmée, ce ne serait ni par des favoris frisés ni par des habits neufs : l’homme naturel, l’homme sans apprêt devait la conquérir.

L’homme sans apprêt sonna donc à la porte du no 1, place du Paragon. Mademoiselle Todd était chez elle. Il monta au salon où il trouva, non-seulement mademoiselle, Todd, mais encore la vénérable madame Shortpointz. Ces dames réglaient les préliminaires d’une partie de whist qui devait avoir lieu le soir même.

— Ah ! sir Lionel, comment ça va-t-il ? Asseyez-vous. C’est bon, ma chère, — mademoiselle Todd appelait tout le monde, « ma chère ». — J’y serai à huit heures. Mais rappelez-vous que je ne veux pas être à la même table que lady Ruth ou mademoiselle Ruff. Ainsi parlait mademoiselle Todd qui, grâce à ses petits soupers et à sa grosse voix, commençait à exercer à Littlebath un pouvoir autocratique.

— C’est entendu, mademoiselle Todd. Lady Ruth…

— C’est bon, je ne demande que cela. Et tenez !