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— Comment pouvez-vous parler ainsi, mademoiselle Baker ? Vous savez que je ne suis pas curieuse du tout.

— Eh bien ! si vous ne l’êtes pas, moi je le suis. J’espère qu’on nous engagera… Ha ! ha ! ha !

Pourquoi donc sir Lionel ne se décidait-il pas, et ne mettait-il pas fin, d’une façon ou d’une autre, aux tourments de cette excellente dame ? Plusieurs raisons le guidaient dans sa politique expectante. En premier lieu, il ne pouvait pas tirer au clair si mademoiselle Todd voudrait de lui dans le cas où il se présenterait. Sa fortune, à elle, était de beaucoup la plus sûre ; toutes ses espérances étaient déjà réalisées, et sir Lionel savait le compte de son avoir, à une fraction près.

Mademoiselle Baker l’accepterait, il en était bien sûr ; et, l’ayant accepté, elle se montrerait, il en était bien sûr aussi, en toutes choses soumise, obéissante, complaisante ; de plus, très-facile à conduire dans les questions d’intérêt. Mademoiselle Todd, par contre, aurait probablement — on pouvait même dire certainement — une volonté à elle. Il aurait préféré prendre mademoiselle Baker avec la moitié de l’argent de mademoiselle Todd.

Mais aurait-elle même autant que la moitié ? Si ce vieil imbécile à Hadley voulait se décider à s’en aller, en disant enfin au monde la seule chose avec laquelle il pouvait désormais espérer de l’intéresser, sir Lionel saurait quel parti prendre. À tout événement, il se décida à ne rien faire qu’après le mariage du solliciteur général. On pourrait peut-être découvrir, à cette occasion, si sir Henry Harcourt devait être considéré