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même pourquoi elle s’en inquiétait. Elle était dans un état continuel d’impatience sentimentale, mais elle ne comprenait pas la cause de sa propre agitation. Les jours où sir Lionel venait la voir, elle était heureuse et gaie ; les jours où il allait chez mademoiselle Todd, elle était maussade. Quelquefois elle le raillait au sujet de son admiration pour sa rivale, mais elle le faisait sans grâce. L’esprit, la repartie, les épigrammes n’étaient pas le fait de mademoiselle Baker. Elle aurait pu, à la rigueur, tenir tête pendant cinq minutes à cette vieille sourde de madame Leake, mais quand elle s’essayait contre sir Lionel, elle échouait d’une façon déplorable. Cela se bornait, en somme, à lui reprocher doucement d’avoir été place du Paragon au lieu de venir faire sa visite, avenue de Montpellier. Adela voyait tout cela, et comprenait parfaitement que sir Lionel n’était nullement sincère. Mais que pouvait-elle dire ? Que pouvait-elle faire ?

— J’espère, sir Lionel, que vous avez trouvé mademoiselle Todd en bonne santé hier, disait mademoiselle Baker.

— Mais il me semble qu’elle n’allait pas trop mal, répondait sir Lionel ; nous avons beaucoup parlé de vous.

— De moi ! hé ! hé ! hé ! Je suis sûre que vous aviez de meilleurs sujets de conversation.

— Il ne saurait y en avoir de meilleur, reprenait le galant colonel.

— Oh ! vraiment ? Et le jour est-il fixé ? Adela, que voilà, est fort curieuse de le savoir.