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m’était permis de vous donner un petit conseil, je vous engagerais à écrire de temps en temps à Monsieur pendant vos voyages.

Or George n’avait de sa vie écrit une ligne à son oncle. D’après les ordres exprès de celui-ci, c’était toujours à la femme de charge qu’il annonçait son arrivée ou ses projets de voyage, et maintenant il n’entendait nullement commencer une correspondance.

— Lui écrire, monsieur Pritchett ! Non, vraiment, je n’y pense pas. Je ne crois pas que mon oncle tienne beaucoup à recevoir des lettres comme les miennes.

— Ah ! que si, allez, monsieur George ! Il ne faut pas être trop prompt à juger les gens sur les apparences ; il s’agit de douze millions et demi ; vous savez, monsieur George, douze… millions… et demi… de fortune ! Et M. Pritchett appuya fortement sur le chiffre présumé des richesses de son patron.

— Douze millions et demi, vraiment ? C’est beaucoup sans doute, et j’admets parfaitement toute la force de votre argument ; mais, voyez-vous, il n’y a rien à faire de ce côté-là : je ne suis pas fait pour hériter de douze millions et demi. Cela se voit sur mon visage.

M. Pritchett le regarda fixement.

— Mais, monsieur George, je ne vois pas ça du tout ; croyez-moi, allez, Monsieur vous aime beaucoup.

— Beaucoup ! n’est-ce pas un peu trop dire, hein ?

— Je veux dire autant qu’il peut aimer beaucoup qui que ce soit. Ainsi il me dit hier : « Pritchett, me dit-il, ce garçon va partir pour Bagdad. — Quoi !