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avant tout la force et la rapidité. Et comment reconnaître les forts et les rapides, si nous ne dressons pas nos chevaux à lutter à la course ? Pourtant ces luttes, dès le jeune âge, ne sont pas faites pour développer cette humanité d’esprit dont nous déplorions tout à l’heure l’absence. « Que le diable prenne les derniers, » est devenu le proverbe par excellence de la jeunesse. Eh bien ! oui ; le diable prendra assurément tous les derniers. Il n’y a que les premiers, les tout premiers, qui entreront dans notre paradis de prospérité matérielle. Donc, ô mon frère, mon ami, compagnon de ma jeunesse, que le diable te prenne, te prenne bien vite, puisqu’il faut forcément que ce soit toi ou moi !

Væ victis ! hélas ! ces pauvres derniers ! ils sont si nombreux. Le lait écrémé sera toujours bien plus abondant que la crème. Chez nous, aujourd’hui, il faut de la crème pour tout ; rien de bon ne se peut faire si ce n’est avec une crème quelconque. Ce lait a été déjà écrémé, dites-vous ? N’importe, écrémez de nouveau ; nous trouverons bien encore un peu de ce que nous appellerons la crème. Les concours produiront quelque chose qui semblera fort, — et qui sera rapide, ne fût-ce que pour une course de quelques mètres.

C’est là l’expérience de notre temps. Les sages vous diront que, du moment que la crème seule est acceptée, toute la jeunesse se préparera à l’écrémage et qu’il en résultera une quantité prodigieuse de crème d’une sorte ou d’une autre. La chose ne se fait que comme stimulant à l’éducation. Il y aurait bien à dire là contre ; mais on ne le dira pas ici. Nous ne voulons parler,