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même très-probable — et pourtant il souhaitait de le voir s’établir à Londres. Quelque chose lui disait qu’il avait plus à gagner qu’à perdre avec un pareil ami. Mais Bertram ne pouvait se décider aussi facilement. L’inventaire de son avoir personnel était facile à dresser : il venait d’une bonne famille, il avait reçu la meilleure éducation que l’Angleterre pût fournir ; il avait la pensée prompte et la parole vive ; il sortait de l’Université avec le premier grade et la certitude d’être agrégé ; il avait un oncle qui était très-riche et par moments fort désagréable, et un père fort pauvre dont chacun disait que c’était le plus aimable compagnon du monde. Possédant toutes ces choses, comment en tirer le meilleur parti ? Telle était la question.

Il ne faudrait pas conclure de ce que nous venons de dire que l’unique but, ou même le principal but que se proposât George, fût de gagner de l’argent. Tout au contraire, il voyait là un écueil. Le côté industriel d’une profession ne lui apparaissait, pour l’instant, que comme un mal nécessaire. Pour qu’un homme sans fortune, comme il l’était, pût faire son œuvre, il fallait bien gagner de l’argent ; peut-être même fallait-il gagner beaucoup d’argent pour accomplir cette sorte d’œuvre qui lui tenait le plus au cœur ; mais l’argent gagné ne serait jamais pour lui un triomphe. Ce pouvait être seulement un moyen désagréable pour arriver à un but désirable. Ainsi pensait notre héros à l’âge de vingt-deux ans.

Deux buts lui paraissaient désirables : mais lequel