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lui demander, à elle, si la chose était possible, sinon aujourd’hui, dans dix ans — sinon dans dix ans, alors dans vingt ? N’était-il pas aussi infidèle, n’était-il pas aussi parjure que si mille serments eussent été échangés entre eux ? Les serments des amoureux ne sont que des phrases qui leur servent de prétexte pour parler d’amour. Ce sont les jouets de l’amour, tout comme les baisers. Ce sont de doux liens quand les amoureux ont confiance, mais ils ne lieront jamais ceux qui n’ont pas la foi. Quand Arthur lui avait dit qu’elle seule comprenait ses sentiments, qu’elle seule connaissait, ses pensées, quand elle lui avait répondu par un doux sourire, fallait-il encore autre chose ? Ah ! oui, Adela, il fallait autre chose, il fallait bien plus. Il ne faut pas qu’une jeune fille croie comprendre les sentiments d’un homme et connaître ses pensées jusqu’à ce qu’il lui ait demandé nettement et sans ambages d’en être la souveraine.

Quand son père revint à l’heure du dîner, Adela se promenait encore en long et en large dans le salon. Mais elle n’avait pas passé les deux heures qui s’étaient écoulées depuis la visite d’Arthur en vaines lamentations ou en colère plus vaine encore. Elle avait senti qu’il fallait régler sa conduite future, et pendant ces deux heures elle avait pris sa résolution. Un grand malheur, un coup étourdissant l’avait frappée, mais la faute en était à elle plutôt qu’à celui qu’elle aimait. Elle s’apprendrait à en supporter le châtiment ; elle verrait Arthur de temps à autre, elle serait patiente avec lui comme si ces longues visites d’autrefois n’a-