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— Oh ! dit Adela, avec un léger tremblement dans la voix et en détournant enfin son regard de lui.

Il y eut une pause pendant laquelle ils ne se parlèrent ni ne se virent. Quant à Adela, toute parole lui était impossible. Elle ne pleura, ni ne soupira, ni ne sanglota ; elle n’eut pas mal aux nerfs ; elle devint tout simplement muette. Elle ne pouvait répondre à cette petite communication que lui faisait son voisin. Jusqu’à ce jour, elle avait toujours montré de la sympathie pour tous les chagrins qu’il venait lui conter, elle avait su verser un baume sur toutes ses blessures ; aujourd’hui elle n’avait point de baume, point de sympathie. Ils restaient là muets ; lui, fouillant toujours le tapis avec sa canne, elle, ne remuant pas.

Enfin ils comprirent tous les deux que ce mutisme complet, cette abdication ouverte de tout empire sur soi disait à chacun d’eux le secret de l’autre. Ils sentirent que chaque instant de silence les compromettait davantage l’un et l’autre. Pourquoi donc Adela ne savait-elle pas répondre quand son visiteur lui annonçait des intentions de célibat ? Pourquoi Arthur Wilkinson restait-il là assis comme un imbécile en face d’elle, parce qu’il lui avait tout bonnement appris une chose décidée depuis longtemps ?

Il eût été sans contredit du devoir d’Arthur de tirer la jeune fille d’embarras le plus tôt possible. C’était presque manquer de courage viril que de perdre ainsi toute puissance de parole ou d’action. Cependant il fouillait toujours dans le tapis et ne disait mot. Adela