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d’encourager ce cœur défaillant et de lui dire que l’œuvre d’un soldat du Christ était plus digne d’occuper une âme virile que les disputes de l’homme politique ou les chicanes de l’avocat ; elle lui avait parlé sérieusement, mais bien doucement pourtant, des charmes de la vie rurale, et elle lui avait presque appris à se féliciter de son échec à l’Université. Tout cela s’était passé entre eux ; mais Arthur n’avait jamais pris la main d’Adela en disant qu’elle devait être à lui, et elle n’avait jamais rougi en la lui retirant à demi.

Pourquoi donc se croyait-il obligé d’aller à West-Putford ? Pourquoi ne pas laisser les choses au point où elles en étaient ? Mademoiselle Gauntlet serait toujours son amie ; seulement, comme elle ne devait jamais être plus qu’une amie, peut-être serait-il plus sage de ne pas prendre trop souvent le chemin du bord de l’eau. Puisqu’il n’avait pas été question d’amour entre eux, il semble que cela aurait dû suffire.

Cependant il ne pouvait prendre son parti de ne rien dire. Adela pourrait trouver étrange qu’il gardât le silence sur ses projets d’avenir. Il ne lui avait pas parlé d’amour, sans doute ; mais ne lui avait-il pas souvent laissé voir qu’il était sur le point d’en parler ? La loyauté n’exigeait-elle pas qu’il lui fît comprendre pourquoi il renonçait à de si douces espérances ? Et puis, dans l’intérêt de son avenir à elle, ne devait-il pas, — il ne se flattait pas qu’elle l’aimât, qu’elle l’aimât beaucoup c’est-à-dire, — ne devait-il pas lui laisser voir qu’elle était libre d’en aimer un autre ? Donc, un matin, il se mit en route pour West-Putford.