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apparence sans voix, mais toujours elle remuait la tête et toujours elle tenait ses cartes.

On savait généralement, à Littlebath, qu’elle avait eu jadis une attaque de paralysie, et M. Fuzzibell et madame Garded, la croyant frappée de nouveau, s’étaient naturellement élancés à son secours.

— Qu’a-t-elle donc ? dit mademoiselle Ruff. Est-elle malade ?

Mademoiselle Todd était déjà auprès de la vieille dame. — Lady Ruth, êtes-vous souffrante ? disait-elle. Voulez-vous passer dans ma chambre ? Sir Lionel, aidez milady. Et à eux deux ils firent lever lady Ruth de sa chaise ; mais toujours celle-ci tenait ses cartes et regardait fixement mademoiselle Ruff en remuant la tête.

— Vous sentez-vous malade, lady Ruth ? dit encore mademoiselle Todd. Mais lady Ruth ne répondait pas. Il se trouva cependant qu’elle pouvait marcher, et, avec l’aide de ses deux soutiens, elle gagna la porte du salon. Arrivée là, elle s’arrêta ; et, ayant réussi à se dégager du bras de sir Lionel, elle se retourna et fit face à la compagnie. Elle continua à branler la tête régulièrement en regardant tout le monde, et puis elle fit ce petit discours, dont elle articula très-lentement chaque mot :

— Je voudrais que sa langue aussi fût de verre, car alors elle la casserait peut-être.

Et, s’étant ainsi vengée, elle se laissa emmener sans résistance par mademoiselle Todd. Il était évident, du moins, qu’elle n’était pas paralysée, et tout le monde se sentit soulagé.