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— Je le crois. Mais Caroline est bien vive aussi. Je pense qu’il y a de la faute de l’un et de l’autre.

— Il aura été fatigué d’attendre.

— J’aurais compris cela il y a un an, mais aujourd’hui il n’y avait plus à attendre. Ce n’est pas cela. Tout ce que je sais, c’est que j’en suis très-malheureuse. Et mademoiselle Baker porta de nouveau son mouchoir à ses yeux.

— Ne vous chagrinez pas, ma chère amie, reprit sir Lionel. De grâce, si vous m’aimez, calmez-vous. Si vous saviez combien je souffre de vous voir ainsi affligée ! Dans tout ceci, je pense bien plus à vous qu’à George lui-même, je vous le jure. Et sir Lionel trouva moyen de pincer légèrement le bout d’un des doigts de mademoiselle Baker, — mais, si adroitement qu’il s’y prît, le mouvement n’échappa pas aux yeux clairvoyants de leur hôtesse.

— Mais Caroline ! dit mademoiselle Baker en sanglotant derrière le mouchoir. — Elle était bien enfoncée dans un grand fauteuil, le dos tourné aux tables de jeu. Il est vraiment doux d’être consolé dans ses chagrins, surtout quand on a la conviction que le chagrin n’est pas irrémédiable. Somme toute, mademoiselle Baker n’était pas trop à plaindre.

— Ah ! oui, Caroline ! dit sir Lionel. Mais pensez-vous que Caroline l’aime réellement ? J’ai quelquefois pensé…

— Et moi aussi, quelquefois… c’est-à-dire autrefois… Mais elle l’aime maintenant ; elle l’aime, ou je ne m’y connais pas.

— Ah ! voilà ! vous y connaissez-vous, chère amie ?