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pourrait-il rien dire ? ne pourrait-il élever la voix, ne fût-ce que pour un instant, et discourir ainsi qu’il aimait à le faire — ainsi qu’il en avait l’habitude dans les assemblées des saints, ses frères ?

Il regarda mademoiselle Todd, et il leva les yeux, puis il leva les mains ; mais, au moment de parler, le courage lui faillit. Il y avait chez mademoiselle Todd, telle qu’il la voyait là assise en face de lui, une certaine fermeté que trahissait la rotondité de sa personne, une certaine vigueur que révélait l’éclat rubicond de ses joues, dont le résultat ordinaire était d’éteindre le courage de tous ceux qui auraient songé à la contrarier. De sorte que M. O’Callaghan, après avoir beaucoup levé les yeux, et un peu les mains au ciel, ne dit rien.

— Je crois que le jeu n’a pas votre approbation, lui dit mademoiselle Todd.

— Mon approbation ? non certes ! Comment pourrais-je approuver, mademoiselle ?

— Eh bien ! moi j’approuve, et de tout mon cœur encore. Que voulez-vous que nous fassions, nous autres vieilles femmes ? Notre vue est trop faible pour lire pendant toute la soirée, quand même notre esprit ne le serait pas. Nous ne pouvons pas rester éternellement à réciter des prières. Nous n’avons d’autres sujets de conversation que les médisances. En tout cas, il vaut mieux jouer que boire, et nous en viendrions là, si l’on nous retirait les cartes.

— Oh ! mademoiselle !

— Voyez-vous, monsieur O’Callaghan, vous trouvez