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Mais si ses sœurs riaient, Adela Gauntlet, la fille du ministre de West-Putford et leur voisine, ne se moquait pas de lui. Elle l’approuvait à ce point qu’elle abandonna à peu près la danse, elle aussi. Elle s’interdit tout à fait les valses et les polkas, et, si elle dansa de temps à autre un quadrille, ce fut d’une façon désillusionnée qui semblait dire que, si elle n’eût craint de se faire remarquer, elle aurait refusé même un quadrille. De sorte que, somme toute, Arthur Wilkinson, malgré ses ambitions déçues, s’amusa autant pendant cet hiver-là qu’à aucune autre époque de sa vie.

Bien des fois, en suivant les bords de la petite rivière qui serpentait entre Hurst-Staple et West-Putford, il pensa à ses espérances d’autrefois et s’attrista de ne pouvoir en parler à personne. Son père était bon, mais trop froid pour être sympathique. Sa mère l’aimait de tout son cœur, et elle lui avait dit avec bonté que tout était peut-être pour le mieux ; elle avait même émis cette pensée consolante plus d’une fois, mais c’était tout ; son imagination ne lui suggérait rien de plus. N’avait-elle pas quatre filles dépourvues de maris et dépourvues aussi de dots, hélas ! Ne devait-elle pas leur réserver tout ce qu’elle avait de sympathie ? Quant à ses sœurs, — mon Dieu ! il n’y avait rien à dire, — c’étaient de bonnes filles, — d’excellentes filles ; mais elles étaient si gaies, si insouciantes, si rieuses, qu’il n’y avait pas moyen de leur parler de ses chagrins. Jamais elles n’étaient pensives, jamais elles ne se laissaient gagner par cette douce mélancolie qui porte à la sympathie. Si Adela Gauntlet eût été sa