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le regardait comme le futur beau-père de sa chère enfant, rien de plus. L’idée de devenir un jour lady Bertram ne lui avait pas un seul instant traversé l’imagination. Mais, malgré tout, et par degrés, les soins empressés de l’aimable colonel lui devinrent fort agréables.

Elle n’avait pas eu d’adorateurs dans sa jeunesse, cette pauvre chère mademoiselle Baker — pas d’adorateurs depuis le temps où elle se réjouissait comme toutes les autres enfants de se voir entourée de « ses petits amoureux. » Elle était arrivée à un âge qui touchait à la maturité sans éprouver peut-être le besoin d’avoir des adorateurs. Cependant, même dans son cœur, la passion naturelle de la femme pour l’admiration était toujours vivante. Ce n’était point un lusus naturæ que mademoiselle Baker, c’était une vraie femme, ayant un cœur chaud et du sang dans les veines, et, de plus, ce n’était point encore une vieille femme : donc, bien qu’elle ne considérât pas sir Lionel comme un amoureux, elle apprit à l’aimer.

Rien de plus amusant que ses petites conversations avec Caroline à ce sujet. De ces deux femmes, la plus jeune était sans contredit la plus perspicace, et, bien que ses propres affaires lui donnassent matière à réflexion, elle avait su deviner chez sir Lionel quelque projet caché. Caroline ne se sentait pas une grande affection pour lui. Peut-être George lui avait-il donné à entendre quelque chose, car George ne savait rien lui cacher. Toujours est-il qu’elle soupçonnait le colonel ; mais elle n’avait d’autre moyen de mettre sa tante sur