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si malheureuse qu’il vous fallait demander du secours à M. Harcourt ! Vous en appeliez de moi à la sympathie de cet homme, — de moi qui suis, — non ! qui étais votre mari devant Dieu ! Ne compreniez-vous donc pas quelle sorte de lien nous unissait ? Ne saviez-vous pas qu’il était des circonstances dans lesquelles vous ne pouviez chercher de la sympathie au dehors sans être infidèle, plus qu’infidèle ? N’avez-vous donc jamais songé à quoi cela engage, d’être l’unique objet de l’amour d’un homme et d’avoir accepté son amour ?

Elle avait été sur le point de l’interrompre, mais la tendresse que semblaient renfermer ces derniers mots l’arrêta.

— Une pareille lettre ! Vous la rappelez-vous, cette lettre, Caroline ?

— Oui, je me la rappelle ; je ne me la rappelle que trop. Je n’ai pas voulu la garder.

— Elle vous a paru injuste ?

— Elle était plus qu’injuste, elle était cruelle.

— Injuste et cruelle, tout ce que vous voudrez, — je ne m’arrêterai pas à la défendre ; par sa nature même, elle devait rester chose sacrée entre nous. Je vous ai écrit comme j’avais le droit d’écrire à celle que je considérais comme ma future femme.

— Personne ne pouvait avoir le droit d’écrire une semblable lettre.

— Dans cette lettre, je demandais expressément que M. Harcourt ne fût pas établi en arbitre entre nous. Je vous priais spécialement de ne pas lui parler des causes de mésintelligence qui pouvaient exister entre