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Harcourt haussa les épaules et parut étonné de cette singulière idée ; puis, il mit son chapeau, et s’en alla tout seul. Nous ne chercherons pas à deviner quelles pensées l’occupèrent pendant la route, et nous suivrons plutôt son ami dans sa promenade.

Bertram avait écrit sa lettre de Paris fort à la hâte, mais il se la rappelait presque tout entière. Il savait combien elle avait été sévère, et il avait même plus d’une fois regretté d’avoir été si rude. Mais il se disait que l’offense aussi avait été grande. De quel droit sa future avait-elle parlé de lui à un autre homme ? N’avait-il pas eu raison de lui mettre devant les yeux toute l’étendue de sa faute ? Les idées de Bertram à ce sujet étaient peut-être un peu exagérées, mais, à coup sûr, elles n’étaient pas insolites. Quel est l’homme, quel est l’Anglais du moins, qui souffre patiemment qu’un étranger intervienne entre lui et la femme qu’il aime ?

Mais cette première faute de Caroline était vénielle auprès de celle qu’elle avait commise depuis : parler de lui, c’était déjà trop, mais montrer ses lettres ! Montrer une pareille lettre ! Montrer une pareille lettre à un pareil homme ! Faire une telle confidence à un tel confident ! Il n’était pas possible qu’elle l’aimât encore ; il n’était pas possible qu’elle ne lui préférât pas cet autre !

Il pensait à toutes ces choses en marchant vite par cette belle nuit de mai, et son cœur se gonflait, mais c’était de colère plutôt que de chagrin. Tout devait être fini entre eux. Il ne pouvait plus penser à elle après ce qu’il venait d’apprendre. Il se disait qu’elle