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poser, messieurs, de boire à la santé de quelqu’un que la fortune n’a point favorisé, — je veux dire à la santé de mon cousin Arthur Wilkinson. Les listes, je veux le croire, sont rédigées avec justice ; en tout cas, ce n’est point à moi à m’en plaindre ; mais j’oserai dire que s’il existait une pierre de touche infaillible pour découvrir l’homme le plus méritant, nul nom n’eût été placé cette année avant le sien. Il est un peu moins en train que nous autres aujourd’hui parce qu’il n’a réussi que partiellement, mais un jour viendra où il réussira complètement. — Et l’on but à la santé d’Arthur Wilkinson avec un enthousiasme un peu amoindri, mais cependant avec assez d’animation encore pour faire résonner tous les verres dans la maison de M. Parker.

Wilkinson sentit le sang lui bourdonner aux oreilles quand il entendit prononcer son nom, et dans le moment, il eût donné tout au monde pour qu’on le laissât tranquille. Mais il est au moins douteux s’il n’eût pas été plus blessé d’être passé sous silence. Rien n’est plus difficile que de se mettre exactement au diapason d’un homme désappointé. — Je romprai la glace pour lui, s’était dit Bertram ; quand il aura une fois parlé, il souffrira moins.

Wilkinson avait toujours été considéré dans les conférences et les clubs d’étudiants comme un très-habile discoureur, et, bien que doué d’un peu plus de prolixité et d’un peu moins de vivacité que son cousin, on l’avait généralement regardé comme l’égal, sinon le supérieur de celui-ci, à cause de son érudition plus