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regarder comme engagée à vous appartenir un jour et j’attendrai. Prête, ai-je dit ! Prête est un mot bien froid ; remplacez-le par celui que votre cœur préférera. Mais, dans le cas où cette attente serait contraire à vos idées, où vous ne voudriez pas vous y soumettre, regardez-vous comme absolument libre de prendre une décision nouvelle. Je n’ai aucunement le droit d’enchaîner votre volonté à la mienne. Je vous demanderai seulement de ne point tarder à vous décider. »

Voilà ce que disait la lettre, ou plutôt une partie de la lettre de mademoiselle Waddington, car nous n’en avons guère donné que la moitié. Cette lettre frappa Bertram de découragement. Dans son cœur, il accusa Caroline de froideur et d’insensibilité, et son premier mouvement fut de la prendre au mot et de rompre avec elle. En ce qui la touchait, il l’eût volontiers fait, mais il manqua de courage vis-à-vis de son propre cœur. Il ne se sentait pas la force de se séparer d’elle, bien qu’il n’eût pas demandé mieux que de la punir en lui disant qu’elle avait perdu tous ses droits sur lui. Bref, il ne fit rien. Il resta trois semaines sans lui répondre, sans l’aller voir, et sans que rien pût lui prouver même qu’il pensât à elle.

Enfin vint un petit billet de mademoiselle Baker qui l’invitait à les venir voir à Littlebath. Ce petit billet était plein de bonne humeur et de gaieté ; il était plus spirituel, surtout, que ne le comportait le talent épistolaire de mademoiselle Baker, et George y reconnut à l’instant la collaboration de Caroline. Elle avait donc le cœur léger !