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vis-à-vis d’elle, il n’avait cessé de remercier la Providence pour le fardeau qui pesait sur ses épaules, aussi bien que pour le bonheur qui inondait son cœur. Mais la force lui manquerait pour supporter le fardeau quotidien, si le bonheur devait être indéfiniment ajourné. Il commençait déjà à perdre et le courage et l’énergie. Il lui semblait qu’on lui avait dérobé sa grande espérance. Ses rêves lui promettaient toujours le bonheur, mais le réveil ramenait le désappointement. Il sentait que cela ne pouvait pas durer, qu’il n’aurait pas la force de travailler avec l’ardeur qu’il voudrait, s’il était privé trop longtemps de sa récompense. « Par respect pour la sainteté du lien qui m’unit à vous, ajoutait-il un peu trop solennellement, j’ai renoncé au genre de vie auquel me portait peut-être ma nature. Ne pensez pas que j’en aie du regret ; au contraire, je me réjouis de l’avoir fait, de le faire encore, mais c’est pour vous que je le fais. N’est-ce point aussi de vous que je dois attendre ma récompense ? S’il y a des risques à courir, ne les partagerai-je pas ? S’il y a à souffrir, ne souffrirai-je pas aussi ? Et si l’homme peut, grâce à ses efforts, défendre la femme contre la souffrance, je vous défendrai. » En terminant, il suppliait Caroline de consentir à ce que leur mariage eût lieu l’automne suivant.

Le retour du courrier lui apporta trois lignes d’elle. Elle l’appelait son bien cher George, et lui demandait huit jours pour répondre longuement à sa lettre : « Elle ne pouvait répondre, disait-elle, qu’après mûre réflexion. » George, tout heureux, lui écrivit pour la