Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

existait d’autres hommes qui eussent pu sauver le pays sans trahir leurs amis, qui l’eussent sauvé si Peel n’eût pas été là tout prêt avec son apostasie, des hommes qui le sauvèrent, par le fait, en ce qu’ils forcèrent Peel à apostasier. De toutes ces choses, M. Harcourt ne dit pas un mot. Que ne devait-il espérer de la reconnaissance du ministre qu’il avait ainsi soutenu et vanté ?

M. Die se sentit très-fier du bon conseil qu’il avait donné ; pourtant il ne s’en vanta à personne, pas même à Harcourt. M. Die possédait le don de la réticence, si j’ose m’exprimer ainsi, mais son regard brilla un instant quand son jeune disciple, en le remerciant, reconnut la sagesse de ses avis.

— En politique, dit-il en élevant le verre de vin d’Oporto qu’il allait porter à ses lèvres, de façon à voir briller la lumière au travers, en politique, il faut jeter ses regards en avant ; dans la vie réelle, il vaut mieux regarder en arrière — si le passé fournit quelque chose de bon à regarder. Le passé de M. Die lui avait fourni quelque chose de fort bon à regarder : il avait pour quinze cent mille francs de consolidés.

Et maintenant il nous faut dire quelques mots des rapports de M. Harcourt avec les autres personnages de cette histoire. Il était toujours fort lié avec Bertram, mais il ne le regardait pas tout à fait du même œil qu’autrefois. Nous en dirons la cause plus tard ; ce qui est certain, c’est que Harcourt n’avait plus des talents de son ami l’opinion exaltée que nous lui avons vue. Il avait fait lui-même si rapidement son chemin,