Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle entra comme une femme qui se sent maîtresse d’elle-même, et qui ne redoute le regard d’aucun œil humain. Harcourt s’était promis, par pure bonté, d’être gracieux pour cette jeune fille ; mais il ne l’eut pas plutôt vue, que la chose se présenta à lui sous un aspect tout différent : daignerait-elle être gracieuse pour lui ? Depuis longtemps il était intimement lié avec Bertram et, en conséquence, sous plus d’un rapport, il n’en faisait que peu de cas. Nous en sommes tous là avec nos amis très-intimes. Mais George grandit subitement de cent coudées dans son estime. Que ne pouvait-on attendre d’un homme qu’une telle femme honorerait de son amour ?

Oui ! Junon venait d’entrer ; car la beauté de Caroline, ainsi que nous l’avons dit, rappelait celle de la reine des dieux. George lui-même s’avoua que jamais il ne l’avait vue si superbement belle. Nous avons déjà décrit ses charmes, et nous n’y reviendrons pas ; nous nous bornerons à dire que Harcourt en fut infiniment plus frappé, à première vue, que ne l’avait été Bertram lors de la rencontre à Jérusalem. Il est vrai qu’à Jérusalem Caroline était assise tout bonnement à table entre sa tante et M. Mac-Gabbery, et ne pressentait nullement l’arrivée de celui qui devait jouer un si grand rôle dans sa vie.

On ne causa guère avant le dîner, qui fut servi sur-le-champ. Harcourt, à peine remis de sa surprise, dut offrir le bras à la maîtresse de maison.

— J’espère que vous approuvez le choix qu’a fait votre ami, lui dit en riant mademoiselle Baker.