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Après avoir vu son oncle, le premier soin de George fut d’aller voir la maîtresse de son cœur. Il n’était pas homme à vivre résigné avec des espérances douteuses et un esprit tourmenté. Il se dit qu’il était absolument nécessaire qu’il sût à quoi s’en tenir, et non moins nécessaire qu’il parlât à quelqu’un de son amour. Il écrivit donc à mademoiselle Baker pour lui annoncer qu’il se promettait le plaisir de renouveler connaissance avec elle à Littlebath, et se décida en outre à s’arrêter en route pour faire une petite visite à Arthur Wilkinson. Dans ce temps-là, Wilkinson, on se le rappelle, prenait des élèves à Oxford, et pensait beaucoup à Adela Gauntlet.

La rencontre des deux cousins n’eut rien de mélancolique. Les chagrins d’amour du genre de ceux qui oppressaient si cruellement George quand il lui fallait rester assis dans le cabinet de M. Die, disparaissent volontiers, pour les jeunes gens, dès qu’il se présente quelque occasion d’être gai. Quant à Arthur, c’était le moment où il venait d’échapper à une peine, et où il n’était pas encore retombé dans une autre. Il se relevait de son échec du concours ; il venait d’obtenir l’agrégation sur laquelle il ne comptait plus, et il commençait la carrière de professeur, entouré de tout le confort universitaire.

— Ma foi ! je t’envie, Arthur, parole d’honneur ! dit Bertram, en jetant un coup d’œil autour de l’appartement de son cousin, où ils se proposaient de passer ensemble une bonne soirée de causerie. Voici ce que j’ai toujours ambitionné comme toi : tu l’as obtenu ; moi, j’y ai renoncé.