Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Jérusalem, et sembla résolu d’avance à frustrer le voyageur de cet hommage de curiosité et de respectueux étonnement que M. Pritchett avait su si bien exprimer en deux mots.

Mais quoique M. Bertram fût toujours froid au début, sa manière d’être s’améliorait d’ordinaire d’une façon sensible au bout de quelques heures. Il perdait graduellement son ton cynique et dur ; ses paroles se faisaient moins rares, et le désir de blesser dans leur amour-propre ceux à qui il parlait semblait diminuer.

— Eh bien ! George, ton voyage t’en a-t-il appris bien long ? dit-il, lorsque John eut desservi et les eut laissés en face de leur bouteille de Porto. Ces mots furent dits d’un ton sardonique, mais enfin il daignait faire allusion au voyage, et c’était déjà un grand progrès.

— Mon Dieu, oui ! je crois en savoir plus long qu’en partant.

— À la bonne heure, j’en suis fort aise. Puisque tu as perdu une année de travail, il est bon du moins que tu aies gagné autre chose. Ton accroissement de sagesse est-il très-considérable ?

— Ma sagesse, mon oncle, est certainement moindre que celle de Salomon ; mais je n’en aurais pas acquis plus en restant à Londres.

— C’est fort probable. Je pense que tu n’as pas la plus légère notion de ce que t’a coûté cette sagesse ? Ce serait voir la chose sous un aspect bien vulgaire.

— Grâce à votre générosité inattendue, je n’ai pas eu à regarder de trop près à la dépense.