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permettait de critiquer, de condamner toute l’organisation du barreau anglais ? Harcourt était d’ailleurs très-convaincu, — bien qu’il ne lui eût pas été facile de donner les raisons de cette conviction, — que rien ne peut mieux servir, à la longue, la cause de la justice que le système actuel qui consiste à laisser la vérité et l’erreur se combattre à armes égales. Il pensait qu’il faut concéder à l’erreur et à la vérité les mêmes privilèges ; que dis-je, accorder à l’erreur de plus grands privilèges même, car les mauvaises causes ont d’autant plus besoin de protection qu’elles sont naturellement plus faibles. Il eût accusé de persécution à l’égard de malheureux coupables celui qui lui aurait dit que le mal ne peut prétendre à aucun droit, à aucune protection, — à aucune protection, veux-je dire, aussi longtemps qu’il ne reconnaît pas, aussi longtemps que tout le monde n’a pas reconnu qu’il est le mal.

Bertram devait s’installer à Londres ; il devait aussi, selon lui, aller voir deux personnes : son oncle et mademoiselle Waddington. Il ne pouvait se mettre sérieusement au travail sans avoir fait ces deux visites-là. Mais avant toutes choses, et surtout avant de voir son oncle, il voulut conclure un arrangement qui devait prouver à celui-ci qu’il avait irrévocablement embrassé une carrière. Il fit choix de ce puissant et redoutable avocat à la cour de chancellerie M. Die, pour lui servir de guide dans les détours de la jurisprudence, pour être le maître aux pieds duquel il s’assiérait, la source d’où il tirerait sa jeune éloquence, l’instructeur de son apprentissage légal.