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— Eh bien ! mon père, elle est encore libre, à ce que je crois ; présentez-vous, si le cœur vous en dit.

— Je ne demanderais pas mieux. Si je connaissais le secret de Médée, je me ferais couper en petits morceaux et bouillir tout vif dans l’espoir de rajeunir à son intention. À propos, Georges, je peux te dire quelque chose sur la demoiselle.

— Quoi donc ?

— Je te l’aurais conté quand nous étions là-bas à Jérusalem, mais nous ne nous connaissions pas aussi bien alors qu’aujourd’hui, et je n’aurais pas voulu paraître indiscret.

— De votre part il ne pouvait y avoir indiscrétion.

— Voici ce que c’est : Si mon frère a jamais aimé quelqu’un au monde, — et la chose me paraît, quant à moi, fort douteuse, — il a aimé le père de cette jeune fille. Si Waddington vivait encore, il aurait aujourd’hui mon âge. Ton oncle l’avait pris par la main dans sa jeunesse et aurait fait la fortune du pauvre garçon, s’il n’était mort aussitôt. Selon moi, cela avancerait beaucoup tes affaires, si ton oncle savait que tu veux épouser Caroline Waddington.

George ne répondit pas, et se mit à lancer en l’air avec vigueur de grands nuages de fumée. Sir Lionel, de son côté, n’ajouta rien et changea de conversation sans affectation. Le lendemain, de grand matin, George Bertram quittait Constantinople après avoir reçu de sir Lionel la promesse qu’il viendrait voir son fils en Angleterre, aussitôt que les besoins du service public lui en laisseraient la liberté.