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et noble ambition. La promesse n’avait été faite, il est vrai, que dans son propre cœur, et l’humiliation d’y manquer était en conséquence moins grande ; mais il se disait qu’il s’était laissé détourner de sa résolution par quelques paroles tombées d’une bouche vermeille, et par un seul regard de dédain de deux beaux yeux, et cela sans que cette bouche eût confessé pour lui le moindre amour, sans que ces yeux l’eussent regardé avec la moindre tendresse. Il ne pouvait songer avec satisfaction à son voyage en Terre sainte, et pourtant il y eût volontiers prolongé son séjour. Qui sait ? S’il gravissait de nouveau cette montagne, s’il revoyait Sion et le Temple, qui sait si l’esprit ne triompherait pas encore de la chair ? Mais, hélas ! il lui fallait s’avouer qu’il ne désirait plus voir triompher l’esprit. Le monde avait vaincu ; l’attrait de la chair était trop puissant. Au sommet de la montagne d’Hermon, il se retourna une dernière fois en soupirant, il étendit encore une fois les bras vers Jérusalem, prononça dans son cœur un dernier adieu pendant que ses regards cherchaient au loin les eaux étincelantes de la mer de Galilée, puis tourna résolument la tête de son cheval du côté de Damas.

En notre heureux temps de chemins de fer, le voyageur peut quitter Florence, Vienne, Munich ou Lucerne, sans éprouver les amertumes de l’adieu. Tous ces endroits-là sont si rapprochés qu’il doit compter les revoir, — tout du moins il peut l’espérer. Il n’en est pas de même pour Jérusalem. Celui qui lui dit adieu doit se dire qu’il la voit probablement pour la