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que tu es en fonds, et moi je ne le suis jamais. De plus, tu as une vache à lait sur laquelle tu peux compter. Ma vache, à moi, c’est le gouvernement, et c’est une mauvaise laitière ; on est constamment à sec avec celle-là.

George sourit aussi et solda la note avec empressement, en protestant que cela n’était que juste, puisque sir Lionel n’avait fait le voyage que pour se trouver avec lui. En conséquence, le colonel se dit qu’il avait été adroit ; mais en ceci il se trompait grandement. Ses calculs reposaient sur une base fausse. « George, pensait-il, est jeune, il n’y regardera pas ; à son âge on ne tient pas à l’argent. » George, en effet, ne tenait pas à l’argent, mais il tenait beaucoup à son père, et il connaissait assez le monde pour savoir que sir Lionel aurait dû payer sa part de la dépense. Il commença à comprendre pour la première fois les sentiments que son oncle exprimait si souvent.

Le père et le fils se mirent en route avec des idées fort différentes sur l’objet de leur voyage. Sir Lionel voulait arriver à Constantinople, et, pour faire plaisir à son fils, il consentait à passer par Damas et Beyrout ; mais George voulait voir Rama, et le puits de la Samaritaine à Sichem ; il voulait gravir le mont Carmel et coucher une nuit au moins dans le monastère. Il lui fallait visiter le mont Thabor, et Bethsaïda et Capharnaüm ; se baigner dans la mer de Galilée, comme il s’était baigné dans le Jourdain et dans la mer Morte ; voir Gadara, Gergèse et Chorazin ; par-dessus tout il lui fallait poser le pied avec respect sur le sol de Na-