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sous ce rapport, et elle aussi pourrait lui enseigner de certaines choses. Bertram lui plaisait, pourquoi donc ne l’épouserait-elle pas, puisqu’il paraissait si probable que son oncle lui laisserait toute sa fortune ?

Malgré sa prudence, Caroline était disposée à courir de certains risques. Elle ne voulait pas être la femme d’un homme pauvre, mais elle ne voulait pas non plus épouser un oisif. Elle désirait, avant tout, que son mari fût un homme actif, honorable et heureux, selon le monde ; elle souhaitait, ainsi qu’elle l’avait dit à Bertram, que le nom de son mari fût dans toutes les bouches et qu’on le répétât dans les journaux. Il fallait qu’elle respectât le maître qu’elle se donnerait et que le monde le respectât aussi. Elle aurait respecté le génie, — le génie tout seul — mais le respect du monde ne s’obtenait pas sans la richesse. Quant à l’amour, c’était une nécessité aussi, mais cette nécessité-là ne venait qu’en troisième ligne.

Étant données les idées de notre héroïne sur le mariage, j’ose dire de nouveau qu’elle se conduisit avec habileté et sagesse, et qu’elle ne se montra même pas complètement dépourvue de sensibilité.

Le lendemain de ces adieux, sir Lionel et George Bertram quittèrent Jérusalem ensemble. Le colonel avait son domestique, comme toujours ; George avait son drogman ; et, de plus, ils étaient accompagnés l’un et l’autre d’un serviteur arabe. En quittant Jérusalem, sir Lionel trouva tout naturel de laisser à son fils le soin de régler la note de l’hôtel.

— Au fait, George, avait-il dit en souriant, je sais