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tère et ses opinions, et elle se disait que c’était là un de ces hommes que toute femme pourrait respecter. Mais Caroline Waddington exigeait autre chose encore de son futur seigneur et maître. Elle avait pu rire et plaisanter en parlant de son mariage avec un ministre de campagne, mais, au fond, elle avait des vues bien plus ambitieuses. Elle se promettait fermement de ne jamais se marier sans amour, mais elle comptait bien ne pas se laisser aller à aimer si l’amour devait se mettre en travers de son ambition. Une chaumière et son cœur n’étaient point à ses yeux l’idéal de la félicité humaine. Elle n’avait pas de cupidité, l’argent ne lui représentait pas le bonheur, en un mot, elle ne ferait pas un mariage d’argent ; mais elle savait cependant que sans fortune on ne peut briller dans le monde. Elle n’avait elle-même qu’une petite dot, et ne faisait pas grand cas de sa beauté ; quoique bien née, sa position n’avait rien de brillant ; son intelligence n’avait pas encore été mise à l’épreuve, et elle ne l’estimait pas à sa juste valeur ; donc, tout compte fait, elle ne se reconnaissait aucun droit à un sort exceptionnel : mais elle avait résolu, du moins, qu’aucune imprudence de sa part ne viendrait contrecarrer les chances heureuses que pourrait lui offrir la fortune.

Telle étant la position, que pouvait-elle répondre à Bertram ? Son cœur lui disait de ne pas le repousser, mais elle craignait d’écouter son cœur. Elle tremblait qu’il ne l’entraînât à se sacrifier par amour. Devait-elle, d’un autre côté, faire appel à la prudence, et congédier ce prétendant dont la jeunesse n’avait en-