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jeunes filles. Vous ne laisserez jamais croire à un homme que vous l’aimez si cela n’est pas ?

— Non, jamais je ne le ferai.

— Ne le niez pas non plus si cela est.

— Mais cela n’est pas. Depuis combien de temps nous connaissons-nous ?

— En comptant par jours et par heures, il peut y avoir trois semaines. Mais qu’importe ? On n’aime pas les gens en raison du temps qu’on les a connus. En vous je trouve tout ce que je puis aimer, tout ce qui peut me rendre heureux. J’ai du talent, du moins j’ai un certain talent : votre caractère me forcera à en faire un bon usage. Je ne prétends pas dire que je vous convienne : vous seule pouvez en être juge ; mais je sais que vous êtes la femme qui me convient. Maintenant j’accepterai telle réponse que vous voudrez me faire.

En réalité, Caroline se sentait fort embarrassée pour répondre. Bertram lui semblait être de ces hommes qui, lorsqu’ils ont parlé avec décision, acceptent aussi comme décisive la réponse qu’on leur fait. Il n’était ni de ceux qu’on peut tenir en suspens, ni de ceux qu’on rejette sans hésitation ; encore moins était-il de ceux qu’on peut accepter sans réflexion.

Il lui plaisait, — il lui plaisait même beaucoup, si l’on considère combien avait été courte leur connaissance. Elle s’était même demandé s’il ne se pourrait pas faire qu’elle l’aimât un jour. Il était bien né, — chose importante à ses yeux ; chose plus importante encore, il avait du talent ; Elle respectait son carac-