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George tenait beaucoup à dire quelque chose qui pût tendre à unir dans l’avenir sa destinée à celle de Caroline. Il n’était pas encore résolu à lui jurer qu’il l’aimait, ni à lui demander en termes clairs et précis d’être sa femme, mais il lui coûtait de la quitter sans savoir s’il n’avait fait aucune impression sur elle, car il comprenait maintenant, à n’en pouvoir douter, que son propre cœur n’était plus libre.

— Allons ! monsieur Bertram, dit Caroline ; voyez donc le soleil, il a presque disparu. Et vous savez que nous n’avons pas de crépuscule ici. Mettons-nous en route, sans cela ma tante va nous croire perdus.

— Une minute, mademoiselle, une minute encore et nous partirons. Mademoiselle, si vous vous intéressez assez à moi pour me dire quelle carrière je dois suivre, quelle occupation je dois prendre, je vous obéirai. Choisissez pour moi, si vous le voulez bien.

Caroline rougit, — légèrement, il est vrai, mais assez pour qu’il s’en aperçût, et assez, surtout, pour qu’elle en eût elle-même connaissance. Elle aurait beaucoup donné pour rester impassible, et pourtant, cette rougeur lui seyait à merveille. Cette fugitive émotion, en adoucissant l’expression décidée qui lui était habituelle, donnait à sa physionomie le charme de la faiblesse naturelle à son âge.

— Quelles folies vous me dites là ! Vous savez bien qu’il vous faut choisir pour vous-même.

Bertram se tenait debout devant elle en lui barrant le sentier, et elle ne pouvait guère avancer sans qu’il lui fît place.