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elle ne savait pas regarder dans le passé, et elle ne pouvait sentir les choses dont l’amoureux Bertram désirait tant l’entretenir. La vue du temple où Jésus avait enseigné ne parlait pas à son cœur.

C’était bien un amoureux que Bertram, quoiqu’il n’eût jamais parlé d’amour à Caroline, et qu’il se fût jamais dit qu’il l’aimât, — semblable en cela à la plupart des hommes, qui ne s’avouent qu’ils aiment que lorsqu’ils se voient forcés de se demander si les paroles d’amour qu’ils viennent de prononcer sont bien la vérité. George et Caroline restèrent silencieux pendant quelque temps, et, à les voir, personne, certes, ne les eût pris pour des amoureux. Il y avait entre eux une distance pleine de convenance et de respect. Bertram étendu sur l’herbe regardait au loin la ville et ne semblait pas voir Caroline ; celle-ci, de son côté, était fort gravement assise sur un rocher et s’abritait de son ombrelle.

— Je pense, mademoiselle, que pour rien au monde vous n’épouseriez un ministre de campagne, dit enfin George.

— Et pourquoi donc pensez-vous cela ?

— Je tire cette conclusion de ce que vous venez de me dire tout à l’heure.

— Je parlais de vous, et non de moi. J’ai dit que vous aviez devant vous une noble carrière, et il ne me semble pas que la vie que mènent, en général, les ministres de campagne puisse s’appeler une noble carrière.

— Mais pour quelle raison la carrière cléricale ne