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repas s’anima considérablement, comme d’ordinaire, lorsqu’on eut fait sauter quelques bouchons.

L’indifférence persistante de la dame de ses pensées rendit M. Mac-Gabbery presque belliqueux vers la fin de la journée ; et sans la modération de notre héros — il est facile aux gens heureux de montrer de la modération — une querelle s’en serait peut-être suivie, sous les yeux même de mademoiselle Todd.

Je ne prétends pas que mademoiselle Waddington fût à l’abri de tout reproche en cette affaire. Il serait pourtant injuste de l’accuser de coquetterie — en prenant ce mot de coquetterie dans sa mauvaise acception. Elle n’était pas naturellement coquette, mais sa nature la portait à faire ce qui lui plaisait sans beaucoup se préoccuper de la façon dont elle le faisait, et sans attacher grande importance à ce que l’on pensait d’elle. Elle ne connaissait que depuis peu George Bertram, mais il existait entre eux de certains liens de famille qui créaient une sorte d’intimité. Puis, Bertram l’amusait, tandis que M. Mac-Gabbery l’ennuyait, et elle n’entendait nullement se priver du plaisir de causer avec quelqu’un qui l’amusait, puisque l’occasion s’en présentait. Jusqu’à ce jour, elle avait peu connu les plaisirs de la conversation. Mademoiselle Baker, il faut le dire, manquait un peu de vivacité, et ses amis de Littlebath n’étaient pas très-brillants ; mais Caroline ne les avait jamais accusés intérieurement d’être ennuyeux. Ce n’est que par le contraste que nous apprenons à reconnaître les ennuyeux à première vue quand nous les rencontrons. Ce fut par l’effet de la compa-