Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nisse ma mémoire, et c’est aussi le plus doux.

— Oh ! ma mémoire, me reporte plus loin, bien plus loin que tout cela, s’écria George. Écoutez donc, mademoiselle Baker ! ma première impression fut une haine vigoureuse pour l’improbité.

— J’espère que votre manière de voir n’a pas changé depuis lors, dit Caroline.

— J’en ai peur. Mais il faut que je vous raconte mes souvenirs : Un jour que j’étais couché dans mon berceau…

— Vous ne prétendez pas nous faire croire que vous vous rappelez cela ? interrompit M. Mac-Gabbery.

— Parfaitement, comme vous vous rappelez le livre d’images. J’étais donc couché, mesdames, comme je vous le dis, mes petits yeux tout écarquillés. C’est étonnant tout ce que les bébés voient, bien que certaines gens ne se méfient pas d’eux. J’étais couché sur le dos, regardant fixement la cheminée sur laquelle ma mère venait de laisser son sac avec ses clefs…

— Vous vous rappelez que c’était le sac aux clefs ? dit mademoiselle Waddington avec un sourire qui fut cause que M. Mac-Gabbery serra sa canne d’une main convulsive.

— À merveille ; parce qu’elle mettait ses sous dans ce même sac. Or, il y avait une petite bonne qui me soignait dans ce temps-là. Je la vis, comme je vous vois, se diriger vers le sac et prendre un sou, et je me promis alors que le premier usage que je ferais de la parole, lorsqu’elle me viendrait, serait de tout dire à ma mère. Voilà, je crois, mon plus lointain souvenir.