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en présence de ceux qu’elle ne pouvait persuader, et que pourtant elle voulait dominer, son regard était parfois loin d’être doux et sa voix n’était guère caressante.

C’était une fille d’esprit, causant bien et en sachant au moins autant que la plupart des jeunes personnes de son âge. Pourtant, il y avait quelque chose dans le tour de ses idées qui ne s’accordait pas bien avec ses années. Elle savait parler de choses saintes d’un ton moqueur — avec la raillerie de la philosophie, plutôt qu’avec le rire de la jeunesse ; elle n’avait pas d’enthousiasme, bien qu’elle ne manquât pas de passion cachée au fond du cœur ; le mysticisme lui était inconnu et elle ne voyait rien à travers les nuages rosés de l’inspiration, son atmosphère n’ayant pas de ces teintes-là ; enfin, elle préférait l’esprit à la poésie, et son sourire était plutôt ironique que joyeux.

Et maintenant, j’ai fini de décrire mon héroïne, d’une manière très-incomplète pour moi, mais avec trop de détails, peut-être, pour le lecteur. Je n’ai plus que bien peu de chose à ajouter. Caroline Waddington était orpheline, elle vivait toujours avec sa tante, mademoiselle Baker ; son père avait été, dans sa première jeunesse, un associé de M. George Bertram, l’oncle ; celui-ci était le tuteur de Caroline, mais s’était fort peu occupé d’elle ; bien qu’il soignât son argent ; enfin elle possédait une petite fortune modeste : une centaine de mille francs environ.

Un pique-nique ayant Jérusalem pour point de départ doit forcément différer, sous plus d’un rapport,