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d’apoplexie, s’il tombait et se blessait, et que le papier fût trouvé sur sa personne ? Il y aurait alors une intervention de la police, il serait emprisonné, il aurait à entendre les cris d’indignation de la foule, à baisser les yeux devant le regard menaçant du juge ; puis, après une sentence bientôt rendue, à passer toute une vie maudite au milieu des voleurs et des criminels ! Alors résonnerait à son oreille le commandement de Dieu : « Tu ne déroberas point ! » Le remords l’accablerait à jamais. Mais ne point parler du testament, n’y pas toucher, n’être en aucune façon responsable de la place qu’il occupait là, sur le rayon, ce n’était pas voler. Jusqu’alors l’idée qu’il commît un « crime » n’avait pas pénétré dans sa conscience. Mais ce serait un crime d’avoir le testament dans sa poche, à moins que ce ne fût pour en révéler généreusement l’existence, pensée qu’il avait eue si souvent.

Quelques minutes après deux heures, il quitta la chambre, non sans pouvoir s’empêcher de jeter un rapide regard vers le livre. Il était là, à sa place. Oh ! qu’il le connaissait bien ce livre ! Il y avait, en bas, sur le dos de la reliure, une petite tache qui y avait été faite par accident. Pour lui, cette tache distinguait le volume entre mille autres. Il lui semblait presque prodigieux qu’une tache d’un aspect si particulier n’eût pas tout d’abord signalé le livre, dans les recherches qui avaient été faites. Mais il était là, il le laissa, exposé à la chance d’une découverte. Qu’on fondît sur le volume, aussitôt après sa sortie de la chambre, on ne pourrait pas l’accuser, lui Henry, parce qu’un livre contenait un testament.

Il alla à Carmarthen, et là son courage fut soumis à une terrible épreuve. Il avait à déclarer devant un magistrat que, à sa connaissance, le testament qui allait être validé était le dernier qu’eût fait Indefer