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mille livres[1] attribuées par le vieillard à Isabel. Le cousin Henry s’engageait à lui payer deux cents livres par an pendant les deux premières années, et, après ce temps, à lui compléter la somme. C’était une occasion de quitter la maison et d’aller jusqu’à Carmarthen. Il avait à sa disposition les chevaux et la voiture dans laquelle on promenait le vieillard dans la propriété, et le vieux cocher, qui servait dans la maison depuis vingt ans. Il donna ses ordres, et recommanda que les chevaux fussent attelés à deux heures, pour être exact au rendez-vous que l’homme d’affaires lui avait donné pour trois heures. Il envoya l’ordre à l’écurie par le sommelier, et, en le donnant, il sentit combien il lui était difficile de prendre le ton naturel d’un maitre qui parle à ses serviteurs.

« La voiture ? monsieur, » dit le sommelier stupéfait. Le propriétaire de Llanfeare dut alors expliquer à son domestique qu’il devait aller voir son homme d’affaires à Carmarthen.

Prendrait-il ou ne prendrait-il pas le livre avec lui ? C’était un fort volume, qu’il n’était pas facile de cacher dans une poche. Il pouvait sans doute emporter un livre avec lui, pour le lire dans la voiture ; mais alors les domestiques remarqueraient quel livre il avait choisi. Il comprit bientôt que le volume devait rester à sa place. Il pouvait prendre le testament et le tenir, à l’abri de tous les regards, dans la poche de sa redingote. Mais tirer le testament de sa cachette, le garder sur lui, à moins que ce ne fût avec l’intention d’en révéler immédiatement l’existence, ce serait là, pensait-il, entrer dans la voie du crime. Ce serait agir que d’enlever le testament du livre où l’avait laissé le vieillard, et sa sûreté exigeait qu’il demeurât absolument passif. S’il avait une attaque

  1. Environ 100 000 francs.