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tait qu’il lui fallait accueillir avec indignation ces questions indiscrètes d’un de ses serviteurs ; mais il y avait plus de frayeur que de colère au fond de son cœur. Ainsi, on s’était demandé déjà pourquoi il restait toujours assis dans cette chambre à regarder les livres.

« C’est juste, monsieur Jones. Naturellement vous pouvez vivre comme vous le voulez, dans votre propre maison. »

Ces derniers mots furent prononcés d’un ton significatif qui voulait être insolent. Tout le monde lui parlait insolemment.

« Eux aussi, qui ne sont pas dans leur maison, ils peuvent vivre comme il leur plaît et se chercher une place. J’ai cru qu’il était de mon devoir de vous le dire ; il ne vous serait sans doute pas agréable de vous trouver un beau jour tout seul chez vous.

— Pourquoi donc tout le monde se tourne-t-il contre moi ? » s’écria-t-il tout à coup, comme s’il allait éclater en pleurs.

La femme de charge, quoiqu’elle n’eût que du mépris pour son maître, fut un peu radoucie par cette manifestation de douleur. « Je ne sais pas si l’on se tourne contre vous, monsieur Jones ; mais nous étions habitués à une manière d’être si différente chez notre vieux maître ! »

— N’ont-ils pas assez à manger ?

— Si, monsieur, on a assez à manger. Pourquoi d’ailleurs vous occuperiez-vous de cela ? C’est mon affaire. Ce n’est pas à cause de la nourriture.

— Pourquoi donc alors, mistress Griffith, veulent-ils partir ?

— C’est surtout parce que vous restez toujours ici seul, ne bougeant jamais, n’ayant jamais votre chapeau sur la tête pour sortir. Naturellement, un propriétaire peut faire ce qu’il veut chez lui. Rien ne