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compagnie d’assurances sur la vie, dans les bénéfices de laquelle il avait un intérêt. Il lui fallait naturellement soit abandonner sa place, soit retourner à son emploi. Que le propriétaire de Llanfeare fût un simple commis dans une compagnie d’assurances, c’était inadmissible. S’il entrait définitivement en possession de ses revenus, la compagnie évidemment ne le reverrait plus ; mais s’il renonçait à sa position, pour perdre ensuite Llanfeare, à quelle misérable situation il serait réduit ! Il fallait pourtant faire quelque chose. Il écrivit au directeur une lettre dans laquelle il exposait en détail et avec assez de vérité sa situation, ne passant sous silence qu’une petite chose, la connaissance qu’il avait de l’existence du dernier testament.

« Tout cela peut changer d’un moment à l’autre, écrivait-il, et ma position comme propriétaire de Llanfeare n’a rien d’assuré. Je le sens si bien que, si j’avais, en ce moment, à choisir entre les deux, je conserverais ma place à la compagnie ; mais, tenant compte de ce qu’il y a d’extraordinaire dans ma situation, peut-être les administrateurs voudront-ils bien m’accorder un délai de six mois pour prendre un parti définitif ; ils me conserveraient mon emploi, pour lequel, bien entendu, je ne recevrais aucune rétribution. »

Sûrement, pensait-il, sa résolution serait arrêtée avant six mois. Il aurait détruit le testament, ou jeté le livre à la mer, ou bien il aurait accompli l’acte généreux de la restitution.

La seule chose qui lui parût impossible était de quitter Llanfeare, pour aller vivre dans le luxe de Londres, pendant que le testament resterait caché dans le volume.

« Je pense, monsieur, que vous n’avez rien arrêté encore relativement à votre manière de vivre, » dit