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qu’elle le méprisait, et pourquoi le vieillard l’avait-il traité avec une cruauté si peu justifiée ? Telles furent ses pensées pendant trois ou quatre jours, durant lesquels il demeura constamment dans la bibliothèque.

Posséder Llanfeare serait une grande jouissance, s’il le possédait vraiment. Il n’y vivrait pas. Non certainement, il n’y vivrait pas. Tous les fermiers lui avaient montré qu’ils le méprisaient. Leur attitude à son égard avant la mort du vieillard, leurs visages, pendant que s’accomplissaient les formalités relatives au testament, le lui avaient prouvé. Il n’avait pas osé aller à l’église le dimanche ; et, bien que personne ne lui eût parlé de la vie qu’il menait, il sentait qu’on tenait des propos sur son compte. Il était certain que Mrs. Griffith avait raconté dans le pays qu’il ne quittait pas la chambre aux livres, et que ceux à qui elle avait parlé commençaient à se dire qu’une conduite si étrange devait avoir quelque relation avec le testament perdu. Non, il ne vivrait pas sans répugnance à Llanfeare ; mais, s’il pouvait louer Llanfeare, ne fût-ce qu’à un prix insignifiant, et aller jouir des revenus à Londres, ce serait le bonheur pour lui. Et pourtant jamais homme aurait-il eu suspendue sur sa tête, attachée par un mince cheveu, l’épée de Damoclès qui menacerait la sienne, s’il louait Llanfeare et abandonnait la maison, laissant le livre, avec son contenu, sur les rayons ? Il lui semblait, tout en pensant ainsi, que la vie n’était désormais possible pour lui que dans cette chambre, aussi longtemps que le testament demeurerait caché dans les feuilles du volume.

Depuis le moment où il avait découvert le papier, il avait senti la nécessité d’entrer en négociations avec les administrateurs de l’établissement auquel il était attaché à Londres. Il était commis dans une