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yeux humains ; alors qu’il saurait n’avoir pas à redouter ce juge irrité, ce jury prêt à le condamner, cette sentence effroyable ; non, il ne pourrait se décider à détruire le testament. La conscience n’était pas nulle chez lui. S’il devait en arriver à commettre le crime, dès ce moment, la crainte du châtiment éternel pèserait lourdement sur son âme, jusqu’à ce qu’il l’eût confessé et expié par cette terrible épreuve avec le juge, le jury et la sentence ! Il ne pouvait détruire le testament ; mais si le livre pouvait l’être, quel bonheur ce serait ! Le livre lui appartenait, ou plutôt lui appartiendrait dans quelques jours, quand le testament aurait été validé. S’il l’emportait et le précipitait dans un puits ou au fond de la mer, s’il l’enterrait profondément, il reparaîtrait certainement, par un de ces hasards qui se produisent toujours pour jeter la lumière sur les actes ténébreux. S’il le lançait à la mer après l’avoir entouré de papier et ficelé, après l’avoir chargé d’un poids, pour qu’il enfonçât plus sûrement, alors même, le livre, avec son enveloppe, ses cordes et son poids, viendrait un jour ou l’autre porter témoignage contre lui. S’il l’enlevait, l’espace vide pourrait éveiller un soupçon. L’unique sûreté pour lui était de ne pas retirer le volume, et de ne pas laisser supposer qu’il eût jamais eu connaissance de ce qu’il contenait.

Et pourtant, si le livre restait là, il révélerait certainement à la fin son terrible secret. Un jour viendrait, bientôt peut-être, où le testament serait trouvé, où on le chasserait de Lianfeare, misérable comme auparavant. Une servante pourrait le découvrir, ou quelque personne pieuse de la maison, qui viendrait chercher dans ce livre une bonne direction religieuse. S’il pouvait se décider à prendre un parti, — à déclarer que le testament était là, afin d’éviter pour l’avenir toute une vie de malheur ! Mais pourquoi lui avait-elle dit