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chercher lui, Henry, et tout le comté de Carmarthen savait pourquoi. Puis, affaibli par la maladie, le vieillard avait changé d’idée, sous l’influence de quelque inexplicable caprice. Presque sur son lit de mort, alors que ses forces l’abandonnaient déjà et que ses facultés ne devaient plus lui permettre l’accomplissement d’un acte si important, il avait fait un écrit que la loi pouvait respecter, mais que l’équité, si elle était invoquée, ne reconnaîtrait pas comme valable. Si le testament était détruit, ce ne serait que justice. Mais, quoique l’acte en son pouvoir, ses mains étaient impuissantes à le faire disparaître.

Quant à cette suppression du testament il avait en effet parfaitement conscience de sa faiblesse. Il n’avait pas le courage de tirer le papier de sa cachette et de le jeter au feu. Il ne s’était même pas demandé s’il ne prendrait pas ce parti. Les cheveux se dressaient sur sa tête, à la pensée des horribles conséquences d’une telle action. Sentir fixés sur soi les regards irrités de toute une cour de justice, figurer dans les journaux comme le grand criminel du jour, entendre le verdict de culpabilité, puis la sentence, savoir qu’il serait enfermé et privé de toutes les commodités de la vie pendant le reste de ses jours ! Et puis, et puis plus tard ! Un crime comme celui-là, n’était-ce pas la damnation certaine ? Bien qu’il se dît à lui-même que l’équité voulait la destruction du testament, il savait bien qu’il ne pouvait se faire ainsi justice de ses propres mains.

Non, il ne pouvait détruire lui-même le document, dût le papier rester là pendant des années et faire peser sur sa vie comme un insupportable fardeau. Quant à cela du moins, son parti était pris. Alors même qu’il ne devrait courir aucun danger dans ce monde, et que son crime devrait échapper à tous les