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devant l’homme d’affaires comme le plus honnête des hommes, qui, aussitôt qu’il lui avait été possible, avait rendu tout ce qui ne lui appartenait pas légitimèment, et cela, malgré les mauvais procédés qu’on avait eus pour lui. Il pourrait encore se donner des airs d’innocent calomnié, restituer la propriété à la jeune femme qui l’avait insulté, et retourner à son bureau de Londres, demeurant, aux yeux des habitants du comté, le type de la grandeur d’âme, de l’honneur. Cette conduite avait pour lui un certain attrait. Il ressentait vivement la jouissance d’imposer sa générosité à sa cousine. Elle lui avait déclaré qu’elle ne recevrait rien de ses mains, parce qu’elle le méprisait. Ce serait alors pour lui une délicieuse vengeance que de la forcer à tout recevoir de ses mains. Tout le monde saurait que c’était lui qui avait trouvé le testament, — lui qui aurait pu le détruire sans courir le moindre danger d’être découvert, — lui qui aurait pu sans péril devenir le possesseur de Llanfeare. Il éprouverait un grand bonheur à devenir l’objet d’une telle estime. Mais elle l’avait outragé ! Jamais lèvres n’avaient proféré de paroles plus insultantes ; jamais yeux n’avaient exprimé semblable mépris. « On reçoit un don de ceux qu’on aime et qu’on estime, non de ceux qu’on méprise » Il n’avait pas osé sur le moment relever ces paroles ; mais elles avaient été jusqu’au plus profond de son cœur ; il haïssait la femme qui n’avait pas craint de répondre ainsi à une offre généreuse.

Et puis cette pensée était toujours présente à son esprit, que la justice absolue voulait que la propriété lui appartînt. Le vieillard avait fait son testament dans les formes légales, en présence de son homme d’affaires et des témoins amenés par l’homme d’affaires ; il avait déclaré et expliqué les raisons qui le déterminaient à faire ce testament. On l’avait envoyé