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sarroi occasionné par la disparition du testament, il n’en était pas la cause ; mais c’était la négligence d’un homme usé par la vieillesse, et qui avait atteint l’âge où l’on n’est plus en état de prendre des décisions si importantes. Il lui semblait que la justice, l’honnêteté, exigeaient qu’un tel acte demeurât éternellement soustrait à tous les yeux. Pourquoi irait-il faire connaître la cachette ? C’était à ceux qui désiraient trouver que revenait le soin de chercher. N’avait-il pas assez servi déjà la cause de l’honnêteté en ne détruisant pas le papier qu’il pouvait si facilement anéantir ?

Mais, s’il restait là, ne serait-il pas certainement trouvé ? Y restât-il des semaines, des mois, des années même, ne serait-il pas fatalement découvert un jour, et n’établirait-il pas que Llanfeare ne lui appartenait pas ? À quoi lui servirait la propriété ? Quel bien-être pourrait-il éprouver, avec cette pensée, presque cette certitude, que tôt ou tard, un accident, un hasard l’en dépouillerait à jamais ? Son imagination était assez vive pour lui dépeindre la vie d’appréhension et de misère qu’il allait mener. Il tremblerait, quand un visiteur de passage entrerait dans la chambre. Il serait épouvanté si une servante se trouvait être trop soigneuse. Que ferait-il, si les sentiments religieux de sa femme future la portaient à se livrer aux mêmes lectures que son oncle ?

Plus d’une fois il s’était dit qu’il serait fou de laisser le testament où il l’avait trouvé. Il fallait en faire connaître l’existence à ceux qui le cherchaient, ou le détruire. Son bon sens lui disait qu’il lui était impossible de sortir de cette alternative. Il pouvait assurément le détruire, sans que personne en fût plus avancé. Il pouvait le réduire, dans la solitude de sa chambre, en cendres presque impalpables, qu’il avalerait ensuite. Il sentait que, malgré tous les soupçons