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l’acte de l’endroit où il l’avait caché, le replaça exactement entre les feuilles où il était enfermé auparavant, et remit le livre à sa place sur le rayon.

Il n’avait pas caché le testament. Il ne l’avait pas dérobé ainsi aux regards de ceux qui avaient intérêt à ce qu’il fût trouvé. Il n’avait rien soustrait, rien dissimulé. Il avait simplement pris le livre sur la table de son oncle, où il l’avait aperçu, et, en le remettant à sa place sur les rayons, il y avait trouvé le papier. C’était ce qu’il se disait en ce moment, ce qu’il s’était dit mille fois. Était-ce son devoir de produire aux yeux de tous cet acte, preuve de l’injustice monstrueuse dont il était victime ? Qui d’ailleurs pourrait mettre en doute cette injustice, parmi ceux qui savaient qu’on l’avait fait venir de Londres, pour l’installer à Llanfeare comme héritier de la propriété ? Ne commettait-il pas envers lui-même, en livrant le papier, une iniquité plus grande qu’en le laissant là où le hasard le lui avait fait trouver ?

Il n’avait pas eu la pensée qu’il agît mal, jusqu’au moment où M. Apjohn lui avait demandé si son oncle lui avait parlé de ce nouveau testament. Il avait menti alors. Son oncle lui avait annoncé en effet son intention, avant de l’écrire, et, après le départ des Cantor, lui avait dit que la chose était faite. Le vieillard n’avait pas ménagé l’expression de ses regrets, mais le jeune homme était resté impassible, sombre, anéanti. Il avait ressenti vivement, mais en silence, l’affront qu’on lui faisait. Il n’avait pas osé soumettre d’observations, ni même se plaindre de ce traitement injuste.

Et le testament était en son pouvoir ! Il comprenait très bien la force de sa position, mais il n’ignorait pas quel en était le point faible. S’il se déterminait à laisser l’acte enfermé dans le livre, personne ne pourrait l’accuser de malhonnêteté. Ce n’était pas lui qui l’avait mis là. Il n’avait rien fait. Quant au dé-