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tait le volume dans lequel son oncle lisait le sermon qui devait être sa dernière préparation au passage dans un monde meilleur. Il ouvrit le livre : entre les feuilles était le dernier testament que le vieillard avait écrit.

À ce moment il entendit marcher dans la salle d’entrée, puis le bruit léger d’une main qui se posait sur la porte. D’un mouvement rapide il cacha le testament sous le livre.

Il est bientôt deux heures, M. Henry, dit le sommelier. Que faites-vous si tard ?

— Je lis, dit l’héritier.

— Il est bien tard pour lire. Vous feriez mieux de vous coucher. Il n’aimait pas les gens qui lisent à ces heures indues. Il aimait qu’on se couchât. »

Qu’un homme qui était, pour ainsi dire, son serviteur, invoquât contre lui l’autorité d’un mort, c’était trop de sans-gêne et d’inconvenance. Henry sentit qu’il devait bien établir sa situation, sous peine de baisser de plus en plus dans l’estime de ceux qui l’entouraient. « Je resterai aussi tard qu’il me plaira, dit-il. Allez, et ne me dérangez pas davantage.

— On devrait bien lui obéir encore ; il n’y a pas vingt-quatre heures qu’il est sous terre, » dit le sommelier.

— Je serais resté à lire aussi longtemps qu’il m’aurait plu, de son vivant même, » dit le cousin Henry. Le sommelier murmura et partit en tirant la porte derrière lui.

Pendant quelques minutes, le cousin Henry demeura immobile ; puis il se leva doucement, silencieusement, et regarda si la porte était fermée. Elle l’était, et c’était la seule porte qui donnât entrée dans la pièce. Les fenêtres étaient fermées par des volets. Il regarda autour de lui et s’assura qu’il n’y avait pas dans la chambre d’autres yeux que les siens. Il tira