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testament par son oncle lui-même, elle la repoussait absolument ! Et alors ne serait-il pas évident qu’une fraude avait été commise ? Dans ce cas, par qui ? Et tandis que ces réflexions se pressaient dans son esprit, elle ne pouvait s’empêcher de penser à cette figure livide, à ces mains tremblantes et aux grosses gouttes de sueur qui de temps en temps perlaient sur le front de son cousin. Il était naturel qu’il souffrît ; il était naturel que, se sentant l’objet des sentiments hostiles de tous ceux qui l’entouraient, il fût dans un trouble extrême. Mais cela n’expliquait pas suffisamment les signes de frayeur qu’il lui avait été impossible de ne pas remarquer sur son visage, dans la salle à manger, pendant que M. Apjohn rappelait les circonstances dans lesquelles avaient été faits les deux testaments. Un innocent aurait-il tremblé ainsi, parce qu’il se serait trouvé dans une situation difficile ? De si vives émotions ne trahissaient-elles pas une âme coupable ? Si des mains humaines avaient fait disparaître le testament, n’étaient-ce pas les siennes ? Quel autre était intéressé à le faire ? Quel autre, à Llanfeare, n’était pas intéressé à la conservation d’un testament qui la faisait elle-même héritière ? Elle ne lui enviait pas la propriété. Elle avait reconnu la force des raisons qui avaient déterminé le vieillard à laisser sa succession à son neveu ; mais elle se disait que, si le dernier document ne se trouvait pas, c’est qu’un acte infâme avait dû être commis par son cousin. Ces pensées, qui l’obsédaient et l’oppressaient, la tenaient éveillée pendant les longues heures de la nuit.

M. Apjohn était parti, les domestiques étaient allés se coucher, le sommelier avait fermé la porte avec deux barres de fer, comme il le faisait tous les jours ; le cousin Henry était encore assis, seul dans la chambre aux livres. Après avoir répondu aux