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confié ses dernières pensées. N’avait-il pas murmuré à son oreille ces paroles : « Tout va bien. C’est fait. » Alors même que son intelligence eût été très obscurcie et que sa force l’eût déjà abandonné, il ne lui aurait pas dit ces paroles, s’il avait détruit le testament. M. Apjohn lui avait parlé de se faire une opinion ; mais cette opinion, elle ne pouvait pas ne pas l’avoir toute faite déjà. Elle ne pouvait faire le vide dans son esprit. M. Apjohn avait dit que si l’on ne trouvait pas le testament, il conclurait que le vieillard avait encore changé d’idée et l’avait détruit. Pour elle, elle était certaine que cela n’était pas. Elle seule avait entendu ses dernières paroles. Était-ce pour elle un devoir de dire à M. Apjohn qu’elles avaient été prononcées ? Si c’était une autre personne qu’elles dussent concerner, sans doute ce serait un devoir pour elle. Mais dans l’état des choses, elle ne savait que faire. Elle ne voulait pas que l’on pût lui attribuer la pensée d’une revendication de droits. De quelle utilité d’ailleurs pouvait être la révélation de ces paroles ? Elles ne seraient considérées par aucun tribunal comme établissant une évidence. Tout bien considéré, elle prit le parti de ne plus se tourmenter à ce sujet et de ne rien dire à M. Apjohn. Si son cousin devait vivre dans la propriété comme seigneur et maître de Llanfeare, pourquoi chercherait-elle à le déconsidérer en mettant en doute la validité du testament qui lui conférait la qualité d’héritier ? Elle décida donc qu’elle ne ferait connaître à personne les dernières paroles de son oncle.

Mais quelle devait être son opinion sur toute cette affaire ? À ce moment, elle ne pouvait s’empêcher de penser que l’acte cherché serait trouvé. Cette solution lui semblait être la seule qu’elle pût considérer sans terreur. Une autre, celle de la destruction du