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propriété tout entière au cousin Henry. Une somme d’argent était laissée à Isabel, mais cette somme ne devait pas être une charge sur la propriété. Or, peu de jours auparavant, M. Apjohn avait appris qu’il ne restait pas d’argent comptant pour le payement de ce legs. Aussi le testament lui était-il odieux. S’il contenait bien réellement l’expression des dernières volontés du vieillard, il était de son devoir de déclarer que la propriété, avec tout ce qu’elle contenait, appartenait au cousin Henry, et que rien ne pouvait fournir même à un payement partiel de la somme léguée à miss Brodrick. C’était, dans sa pensée, le comble de la cruauté et de l’injustice.

Certains bruits étaient venus jusqu’à lui, qui lui faisaient un devoir de vérifier la validité du testament qu’il avait sous la main ; le moment était venu pour lui de s’expliquer à ce sujet.

« Le document que je tiens, dit-il, semble exprimer les dernières volontés de notre vieil ami. Tout testament est naturellement l’expression des dernières volontés du testateur ; mais il peut toujours y avoir un testament postérieur à un autre. Il s’arrêta, et regarda les fermiers l’un après l’autre.

— C’est ici le cas, dit Joseph Cantor le fils.

— Tenez votre langue, Joseph, jusqu’à ce que l’on vous interroge, » lui dit son père.

Pendant cette courte interruption, les fermiers faisaient tourner leurs chapeaux dans leurs mains. Le cousin Henry les regardait fixement, sans dire un mot. L’homme de loi jeta les yeux sur l’héritier, et vit de grosses gouttes de sueur perler sur son front.

« Vous avez entendu ce que vient de dire M. Cantor, dit l’homme d’affaires. Je suis heureux de cette interruption qui rend ma tâche plus facile.

— Voyez-vous, père ? dit le jeune homme d’un air triomphant.