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parole. Avant les funérailles, il leur avait donné la main à tous, mais alors même personne ne lui avait parlé. C’étaient des hommes rudes de manières, incapables de cacher leurs sentiments, et il voyait bien à leur attitude qu’il leur était odieux. Aussi, tandis qu’il était à table avec eux, résolut-il de quitter Llanfeare aussitôt que l’affaire de la succession serait réglée, et alors même que Llanfeare lui appartiendrait. Pendant le repas, l’homme d’affaires et le docteur lui dirent quelques mots, faisant un effort évident pour être polis ; mais, après ce premier effort, ils gardèrent eux aussi le silence. D’ailleurs la taciturnité du jeune homme et même sa pâleur pouvaient s’expliquer par les circonstances.

« Maintenant, » dit M. Apjohn se levant de table quand on eut fini de manger et de boire, « nous pourrions passer dans la pièce voisine. Miss Brodrick, qui veut bien assister à notre réunion, nous attend sans doute. »

Ils passèrent, formant une longue file de la chambre aux livres dans la salle à manger. M. Apjohn, marchait le premier, suivi du cousin Henry. Ils trouvèrent Isabel assise, et, près d’elle, la femme de charge. Elle serra silencieusement la main à l’homme de loi, au docteur, à tous les fermiers, et dit en s’asseyant à M. Apjohn : « Comme il m’était pénible d’être seule, j’ai demandé à miss Griffith de rester avec moi. Il n’y a pas d’inconvénients, je l’espère ?

— Il n’y a aucune raison au monde, dit M. Apjohn, qui puisse empêcher miss Griffith d’entendre lire le testament de son maître, qui avait pour elle tant de considération. » Miss Griffith répondit à cette parole polie par une révérence et s’assit, vivement intéressée par la cérémonie qui commençait.

M. Apjohn tira de sa poche l’enveloppe contenant la clef, et, décachetant avec lenteur le petit paquet,